Guinée-Bissau : un putsch éclair qui redistribue brutalement les cartes du pouvoir

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Le renversement soudain d’Umaro Sissoco Embaló par le général Denis N’canha bouleverse l’équation politique bissau-guinéenne et révèle l’ampleur des fractures internes longtemps dissimulées derrière les discours de stabilité. En quelques heures, un pouvoir que l’on croyait encore capable de manœuvrer l’appareil sécuritaire s’est effondré, remplacé par une nouvelle figure militaire surgissant au centre du jeu avec une assurance qui ne doit rien au hasard.

Le putsch, mené à une vitesse fulgurante, témoigne d’un consensus militaire déjà formé en amont. Le général N’canha ne s’est pas improvisé chef d’État. Sa prise de parole, uniforme impeccablement ajusté et communiqué soigneusement rédigé, révèle une opération structurée, anticipée, probablement soutenue par plusieurs segments clés des forces armées. Ce n’est pas la conséquence d’un chaos interne, mais l’expression d’une décision collective au sein d’un appareil qui avait cessé de faire confiance à Embaló.

Ce renversement invalide définitivement le récit victimisant que le président déchu tentait d’imposer. En se proclamant « arrêté lors d’un coup d’État », Embaló cherchait à manipuler l’opinion pour masquer sa fragilité politique à la suite d’un scrutin contesté et d’accusations de manipulation des résultats. Les militaires ont choisi de couper court à cette stratégie en le déposant avant qu’il ne verrouille totalement le processus électoral.

La mise à l’écart simultanée des principaux responsables de la sécurité nationale, suivie de l’auto-proclamation de N’canha, montre une volonté de refermer d’un coup tout l’ancien système, non de sauver son sommet. L’armée ne voulait plus être instrumentalisée dans une crise politique qu’Embaló avait lui-même alimentée. En prenant le pouvoir, elle entend reprendre l’initiative et redéfinir les règles.

Ce nouveau chapitre ouvre toutefois une zone d’incertitude. Le putsch reflète-t-il un élan de rupture avec les dérives autoritaires et les manipulations institutionnelles, ou simplement le remplacement d’un clan par un autre ? La réponse dépendra des gestes que posera le général N’canha dans les heures et jours à venir avec le respect des échéances électorales, engagement envers les institutions civiles, ouverture à un dialogue national.

Une chose est certaine, la Guinée-Bissau bascule à nouveau dans l’inconnu, mais ce basculement n’est pas né d’une tempête soudaine. Il est l’aboutissement d’un équilibre fragilisé depuis des mois, d’un pouvoir qui s’est isolé, et d’une armée qui a décidé de trancher. Le pays entre dans une nouvelle phase, dont l’enjeu central reste le même, arracher enfin sa souveraineté politique aux crises cycliques qui l’étouffent.

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