Au Cameroun, l’espace médiatique est devenu un terrain d’affrontement où certains acteurs politiques cherchent moins à éclairer l’opinion qu’à l’orienter vers la confusion. Au lieu de contribuer à la clarification des enjeux postélectoraux, ils alimentent délibérément la rumeur, la suspicion et la confrontation. L’affaire récente des prétendues « négociations secrètes » entre le pouvoir en place et Issa Tchiroma Bakary s’inscrit précisément dans cette dynamique de fabrication volontaire du chaos. Le démenti officiel apporté par la Présidence n’a pas seulement valeur d’information, il révèle la profondeur d’une stratégie politique qui vise à affaiblir l’État par le mensonge.
Dans certains plateaux télévisés transformés en scènes de spectacle, la parole politique est devenue performance émotionnelle. On n’y discute plus des faits ; on y cherche le buzz, l’indignation, la division. Ces arènes médiatiques sont investies par des acteurs en quête de visibilité, souvent privés d’assise populaire réelle, mais désireux d’exister à tout prix. Pour eux, semer le doute sur la légitimité des institutions permet d’alimenter un récit victimaire et de se construire une posture d’opposition « héroïque ». Le mensonge n’est pas une erreur, il est leur méthode.
Ces manipulations ne sont jamais neutres. Elles interviennent dans un moment politique sensible, où la Nation a besoin de calme, de lucidité et de dialogue. Accuser sans preuve, inventer des complots, suggérer des tractations imaginaires, revient à fragiliser la confiance publique. Et lorsqu’un peuple ne croit plus en ses institutions, il devient vulnérable à toutes les influences, notamment celles venant de l’extérieur. Car derrière le vacarme local se joue une bataille beaucoup plus large, celle du contrôle symbolique et politique du Cameroun dans un contexte régional sous tension.
Les crises politiques en Afrique ont souvent commencé par des rumeurs habilement propagées, des polémiques montées en épingle, des leaders locaux manipulables se faisant les relais involontaires ou intéressés d’agendas étrangers. Le Cameroun n’est pas immunisé. C’est pourquoi il est impératif de rappeler que la politique ne se construit pas dans le tumulte médiatique, mais dans les institutions, dans la confrontation argumentée, dans la responsabilité.
Face à ces stratégies de désorientation, l’exigence est claire : vigilance citoyenne. Ne pas confondre critique et sabotage. Ne pas céder au sensationnel. Réaffirmer que la stabilité n’est pas un obstacle au changement, mais son préalable. Le Cameroun se refonde par la vérité, la rigueur et l’engagement collectif, non par le théâtre et la mise en scène du chaos.
D.Kaboré
