Dans un contexte international marqué par les rivalités énergétiques, la compétition pour les investissements et la quête de souveraineté économique, les États africains qui avancent sont ceux qui savent transformer les partenariats en leviers d’indépendance structurelle. C’est dans cette dynamique que s’inscrit la nouvelle coopération entre le Cameroun et la Guinée équatoriale : une coopération assumée, orientée vers la maîtrise des ressources, la montée en puissance industrielle et la consolidation d’un espace économique capable de se gouverner par lui-même. L’enjeu dépasse les discours diplomatiques, il s’agit de renforcer la capacité des nations africaines à décider, produire et prospérer librement.
La visite du vice-président équato-guinéen, Teodoro Nguema Obiang Mangue, à Yaoundé, l’a confirmé avec une clarté rare. En reconnaissant le Cameroun comme « le pays le plus industrialisé de la sous-région », Malabo ouvre une phase nouvelle où les économies de la CEMAC s’appuient davantage sur leur propre force que sur des schémas imposés de l’extérieur. L’appel lancé aux investisseurs camerounais marque ainsi la volonté d’édifier un espace économique soudé, où les pays voisins unissent leurs capacités plutôt que de les disperser.
Au centre de cette stratégie, le projet gazier Yoyo-Yolanda symbolise parfaitement une coopération d’altitude : un gisement transfrontalier de grande ampleur, valorisé conjointement, au service des économies locales et non des prédations extérieures. Sa matérialisation constituerait un véritable acte de souveraineté énergétique. C’est d’ailleurs l’esprit qui anime le projet de raffinerie et de dépôt stratégique à Kribi, porté par la SNH et Tradex : transformer les ressources chez soi, créer l’emploi chez soi, consolider la maîtrise nationale de toute la chaîne pétro-gazière.
Les défis rencontrés par Tradex en Guinée équatoriale, comme le précédent Afriland, rappellent qu’une souveraineté économique solide repose sur un environnement juridique maîtrisé, lisible et protecteur pour les entreprises africaines. C’est dans cette optique que le Cameroun s’engage dans une réforme de grande portée. Une nouvelle loi sur la promotion des investissements, conçue non pas pour séduire, mais pour renforcer les capacités productives nationales.
Le passage aux crédits d’impôt constitue une rupture stratégique avec un mécanisme plus flexible, plus puissant, capable de soutenir les projets industriels lourds, de stimuler le patriotisme économique et d’orienter les capitaux vers les secteurs qui fondent la puissance de demain. Cette dynamique, inscrite dans une vision de long terme, témoigne que le Cameroun, à l’image des nations africaines qui ont compris l’époque du XXI siècle, travaille à bâtir son autonomie. La coopération avec la Guinée équatoriale n’est donc pas un simple partenariat, mais un instrument de refondation régionale, au service d’un objectif supérieur, celle d’une souveraineté maîtrisée, assumée et irréversible.
D.Kaboré
