Le Cameroun aborde un moment décisif : transformer une séquence électorale sensible en une dynamique d’apaisement, de reconstruction et de cohésion. Pourtant, dans cette phase où la responsabilité politique devrait primer, Issa Tchiroma Bakary a choisi une tout autre voie : celle du populisme de crise. Une voie qui n’a rien d’innocent, qui n’a rien de patriotique, et qui, si elle est laissée sans vigilance, peut ouvrir les portes à une déstabilisation lourde de conséquences pour le pays et pour la région.
Dès sa revendication unilatérale de victoire à l’élection présidentielle, Tchiroma a enclenché un mécanisme communicationnel bien rodé : fabriquer un peuple humilié, tisser le récit d’un pouvoir illégitime, ériger un camp du “nous contre eux”. Ce schéma, que l’on retrouve dans les manuels du populisme contemporain, ne vise pas à éclairer, mais à fracturer. Il ne vise pas à construire un projet national, mais à affaiblir les institutions en place pour se positionner comme alternative émotionnelle et non rationnelle.
L’enjeu n’est donc pas son ambition personnelle, chaque leader en a, mais la méthode. Dans son discours, le Cameroun n’est jamais présenté comme une nation qui avance, résiste, se transforme. Non. Il devient une scène de trahison permanente où l’État serait l’ennemi naturel du citoyen. Cette inversion discursive est au cœur de la stratégie populiste mondiale pour enlever à l’État sa légitimité pour se l’approprier médiatiquement. Ce qui se joue ici, ce n’est pas une critique normale de la gouvernance ; c’est une entreprise de remise en cause systémique.
Dans un pays pluriel comme le Cameroun, aux équilibres régionaux subtils, ce type de rhétorique est particulièrement dangereux. Car en opposant le peuple à l’État, Tchiroma sous-entend qu’il n’existe plus de terrain commun, plus de centre, plus de cadre républicain capable d’arbitrer les désaccords. Il transforme les institutions en adversaires et la tension en carburant politique. Ce n’est pas l’expression d’une vision panafricaine ; c’est l’importation brute de modèles de division qui ont déjà fragilisé plusieurs nations du continent.
Le panafricanisme véritable n’encourage ni la rupture forcenée ni l’effondrement des médiations institutionnelles. Il valorise la souveraineté, l’ordre républicain, la préservation de la paix comme conditions minimales pour bâtir des États forts, respectés et maîtres de leur destin. Or, le populisme de crise que brandit Tchiroma va exactement dans le sens contraire : affaiblir l’État, polariser l’opinion, installer la suspicion comme norme politique.
Face à cela, le Cameroun doit rester debout. Debout dans la clarté, debout dans la fermeté, debout dans la protection de sa souveraineté. La paix n’est pas un slogan ; c’est un héritage précieux que les générations ont construit et qu’il serait irresponsable de sacrifier sur l’autel d’une stratégie personnelle. Le pays n’a pas besoin de chaos mis en scène ; il a besoin d’unité, de lucidité et de leaders capables de placer le Cameroun au-dessus de leurs calculs.
D.Kaboré
