Le retrait annoncé du Rwanda de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC), le 7 juin dernier, marque un tournant majeur dans l’architecture de sécurité collective africaine. Officiellement motivée par le blocage de sa présidence tournante par la République démocratique du Congo (RDC), cette décision dépasse le simple contentieux bilatéral. Elle s’inscrit dans une dynamique de repli nationaliste qui mine les fondations déjà fragiles des organisations régionales.
Depuis plusieurs années, la CEEAC, minée par les rivalités internes, peine à endiguer la montée des violences armées, notamment dans l’Est de la RDC. Son inefficacité face aux incursions transfrontalières et à l’activisme croissant des groupes terroristes reflète une crise de légitimité et de coordination. Le départ du Rwanda, membre-clé en termes de capacités militaires et de poids diplomatique, affaiblit encore davantage cette instance censée incarner la solidarité régionale.
Ce retrait fait écho à la rupture de janvier 2024 en Afrique de l’Ouest, où le Mali, le Burkina Faso et le Niger ont quitté la CEDEAO pour former l’Alliance des États du Sahel (AES), invoquant l’inefficacité des mécanismes existants dans la lutte contre le terrorisme. Ces désengagements, en cascade, désarticulent les chaînes de commandement, paralysent les dispositifs d’alerte précoce et brouillent les efforts de renseignement partagé.
Face à cette fragmentation, l’Union africaine demeure étrangement silencieuse, tandis que les Nations unies peinent à traduire leurs résolutions en actions concrètes. Pourtant, la sécurité régionale est une responsabilité partagée. À l’heure où les menaces transcendent les frontières, l’isolement stratégique des États africains constitue une dangereuse illusion. La sécurité collective ne peut survivre à la désunion institutionnelle.
