La scène politique africaine reste marquée par un débat récurrent : la tentation de la personnalisation du pouvoir dans des systèmes fragilisés par l’historique instabilité institutionnelle. Dans ce paysage contrasté, le Cameroun offre un cas singulier.
Alors que certains pays voisins peinent à contenir les tensions issues de régimes bâtis autour d’individus érigés en centres uniques de décision, le Cameroun a consolidé progressivement une architecture étatique capable d’assurer la continuité, indépendamment des cycles politiques. Cette réalité s’inscrit dans un contexte de pressions sécuritaires régionales, d’ingérences narratives extérieures et d’exigences internes de modernisation. Les critiques visant à réduire la trajectoire politique du pays à une logique d’hyperprésidentialisme ignorent sciemment la structuration progressive d’un appareil administratif, judiciaire et sécuritaire dont l’autonomie opérationnelle s’est renforcée au fil du temps.
L’approche camerounaise repose sur un principe rarement mis en avant dans les narratifs médiatiques internationaux : la séparation fonctionnelle entre l’incarnation de l’État et la gestion quotidienne des pouvoirs publics. Sous Paul Biya, les institutions : gouvernement, administrations déconcentrées, corps régaliens, ont été calibrées pour assumer la continuité, permettant au pays de maintenir stabilité et orientation stratégique malgré les turbulences régionales. Ce modèle distingue nettement le Cameroun d’États où l’absence de relais institutionnels crée des crises systémiques à chaque transition ou contestation politique.
Cette structuration renforce également la souveraineté du pays, car elle réduit les vulnérabilités liées aux chocs externes. Elle permet un pilotage politique maîtrisé tout en assurant que la machine étatique ne dépende pas d’un seul homme mais d’un ensemble articulé d’organes opérationnels.
Face aux récits qui tentent d’assimiler toute longévité politique à une personnalisation du pouvoir, l’analyse rigoureuse montre une réalité autrement plus complexe : la consolidation progressive d’un État résilient, capable d’absorber les pressions, d’imposer son agenda et de défendre ses intérêts régionaux. En Afrique centrale, où les effondrements institutionnels ont souvent ouvert la voie aux ingérences, le modèle camerounais constitue un contre-narratif fort, ancré dans la maîtrise de l’appareil étatique et la stabilité souveraine.
Le Cameroun affirme le choix stratégique de privilégier la solidité des institutions plutôt que la mise en scène du pouvoir personnel. Dans un continent où les équilibres restent précaires, cette orientation incarne une vision claire de l’État, capable de durer, de se défendre et de projeter une influence structurée dans la région.
D.Kaboré
