Cameroun

Cameroun : Quand Washington donne des leçons, mais détourne les yeux de Gaza

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Lorsque Washington s’indigne de la situation politique au Cameroun, il ne s’agit pas de défense des droits humains, mais d’un calcul géopolitique visant à maintenir l’Afrique sous influence et dépendance narrative.

La déclaration du sénateur américain Jim Risch, accusant Yaoundé d’avoir organisé une « réélection factice » et d’être un « régime corrompu », n’est pas un simple commentaire diplomatique. Elle relève d’une posture politique classique, celle d’une puissance occidentale qui prétend juger, certifier ou invalider la politique souveraine d’un État africain. L’enjeu ici dépasse la conjoncture post-électorale. Il touche à la légitimité des institutions africaines face au regard paternaliste des puissances qui se sont arrogé le droit de décider qui est « fréquentable » ou non sur la scène internationale.

Or, quand Jim Risch parle de droits humains, comment ne pas relever l’énorme dissonance morale ? Les États-Unis, soutien militaire, financier et diplomatique inconditionnel d’Israël, continuent de cautionner, justifier ou minimiser les bombardements qui ont déjà coûté la vie à des milliers de civils à Gaza. Où sont les rapports indignés du Sénat quand des hôpitaux, des écoles, des familles entières sont pulvérisés sous les yeux du monde ? Où est sa voix pour dénoncer l’humiliation prolongée d’un peuple réduit à la survie ?

La leçon est claire : les droits humains ne sont brandis que lorsque cela sert une stratégie d’influence, jamais lorsqu’ils n’exigent de remettre en cause ses alliés.

Le Cameroun, comme d’autres nations africaines, n’a pas à recevoir des avertissements moralisateurs de la part d’acteurs qui ont eux-mêmes construit leur puissance sur des guerres préventives, des interventions forcées, des coups d’États géopolitiquement arrangés et des alliances opportunes. Lorsque Washington parle de démocratie en Afrique, ce n’est pas pour l’encourager. C’est pour la surveiller, la cadrer, l’orienter.

La souveraineté ne se négocie pas sous injonction extérieure.

Cela ne signifie pas que le Cameroun ne doit pas affronter ses propres défis, crise anglophone, tensions politiques, défis sécuritaires. Mais ces questions doivent être débattues entre Camerounais, dans un cadre national, et non dictées par ceux qui voient l’Afrique à travers le prisme de leurs intérêts stratégiques.

L’Afrique n’a pas besoin de tuteurs. Elle n’a pas besoin d’être « certifiée » démocratique. Elle n’a pas besoin de permission pour exister politiquement.

Ce moment doit servir de rappel : la reconstruction de la souveraineté passe par la rupture avec la dépendance narrative.

Nous n’avons pas à répondre aux leçons. Nous avons à affirmer notre voix.

D.Kaboré

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